Impact du microcrédit rural au Maroc

Location:
Morocco
Sample:
162 rural villages
Chronologie:
2006 - 2014
Target group:
  • Rural population
Outcome of interest:
  • Earnings and income
  • Asset ownership
Intervention type:
  • Credit
AEA RCT registration number:
AEARCTR-0000371
Partners:

Policy issue

Le microcrédit est l’innovation la plus visible du dernier demi-siècle en matière de lutte contre la pauvreté. En trois décennies, il s’est considérablement développé. Comptant désormais près de 130 millions d’emprunteurs, il est sans conteste parvenu à rendre accessibles aux pauvres des services financiers formels. Beaucoup estiment qu’il fait bien plus, et qu’en apportant de l’argent à des familles pauvres (et souvent à des femmes), il permettrait d'augmenter les investissements dans la santé, dans l’éducation et dans l’autonomisation des femmes. Les sceptiques, cependant, considèrent que les institutions de microfinance (IMF) ressemblent fort aux usuriers à l’ancienne, réalisant des profits fondés sur l’incapacité des pauvres à résister à la tentation d’un nouveau prêt. Ils pointent du doigt le fait que beaucoup de très petites entreprises sont créées, que peu d’entre elles s’agrandissent et s’inquiètent de la concurrence qu’elles se livrent. Jusqu’à récemment, il y a eu très peu de résultats rigoureux pour aider à trancher entre ces points de vue très différents.

Context of the evaluation

Au Maroc, 19 % de la population des zones rurales isolées vit avec moins de deux dollars par jour. Jusqu'à présent, la plupart des services de microfinance se sont développés dans les zones urbaines et périurbaines, tandis que les régions rurales recourraient à différentes formes de crédit informel. Dans ces régions, le niveau d’accès au crédit classique (proposé par une banque ou une institution financière), est très bas : les enquêtes initiales du projet ont montré que seuls 2,5 % de ceux qui au Maroc vivent avec moins de deux dollars par jour empruntent de l’argent à des institutions de crédit classiques.

Entre 2006 et 2007, Al Amana a ouvert environ 60 nouvelles agences dans des zones rurales d’habitat dispersé. Le principal produit qu' Al Amana y offre est un prêt collectif ; depuis mars 2008, des prêts individuels pour le logement et pour les entreprises non agricoles sont également proposés. Les groupes sont composés de trois ou quatre membres qui se mettent d’accord pour garantir mutuellement le remboursement de leurs emprunts, avec des montants allant de 124 à 1 855 dollars par membre du groupe. Les prêts individuels sont généralement proposés aux clients pouvant apporter une forme de garantie.

Women in headscarves seated on moroccan rugs process seeds
Women manufacturing argan oil in Morocco. Photo: danm12 | Shutterstock.com
danm12 | shutterstock.com

Details of the intervention

À l’intérieur de la zone de chalandise des nouvelles agences, ouvertes là où il n’y avait précédemment aucun accès au microcrédit, 81 paires de villages ont été sélectionnées. Au sein de chaque paire, un village a été aléatoirement choisi pour recevoir des services de microcrédit juste après l’ouverture de l’agence, tandis que l’autre les a reçus deux ans plus tard.

L’enquête initiale a été accomplie en quatre vagues pour s’adapter au calendrier des ouvertures des agences effectuées par Al Amana entre 2006 et 2007. Des données ont été collectées parmi un échantillon de ménages sur : leurs caractéristiques socio-économiques, leur production, le travail de leurs membres en dehors du foyer, leur consommation, leurs crédits et le rôle des femmes en leur sein. Une enquête finale a été effectuée deux ans après le début de chaque vague d’ouverture d’agences.

Au moment de l’enquête finale, 16 % des ménages vivant dans des villages bénéficiant du programme avaient contracté un prêt auprès d’Al Amana. Les trois quarts d’entre eux avaient contracté des prêts collectifs et les emprunteurs étaient majoritairement des hommes. Les ménages des zones tests avaient emprunté en moyenne 117 dollars à Al Amana, le montant global des prêts s’élevant en moyenne à 964 dollars.

Results and policy lessons

Le programme d’Al Amana a augmenté l’accès au crédit : les ménages des villages en bénéficiant ont été deux fois plus susceptibles de contracter un prêt que ceux des villages n’en bénéficiant pas. Le principal effet de ce meilleur accès au crédit a été d’agrandir la taille des entreprises individuelles déjà existantes, qu’elles concernent l’élevage du bétail ou les activités agricoles.

Pour les ménages pratiquant l’élevage, il y a eu une augmentation du nombre d’animaux, ainsi qu’une diversification du type d’animaux possédés et du type de produits vendus. Cela a provoqué un accroissement des ventes et de l’auto-consommation, mais pas d’augmentation des profits. Pour ce qui est de l’agriculture, les ventes et les profits ont augmenté, mais les ménages n’ont pas paru investir dans de nouveaux secteurs ou créer de nouvelles entreprises. Une fraction des profits supplémentaires ont été épargnés, tandis qu’une autre partie a compensé par une réduction des salaires gagnés par ailleurs : dès lors, il n’y a pas eu d’effet moyen sur la consommation de l’ensemble des ménages.

Les effets du programme varient de façon significative selon que le ménage avait ou non une auto-entreprise au moment de l’enquête initiale. Les ménages qui en avaient une ont baissé leur consommation non durable (dépenses sociales) et leur consommation générale. Ce groupe-là a plus épargné et emprunté à Al Amana, ce qui est cohérent avec leur besoin de financer l’expansion de leurs activités. Les ménages qui n’avaient pas d’entreprise ont augmenté leurs dépenses d’alimentation et leurs dépenses durables (sans effet sur la consommation générale), et n’ont vu aucune modification des résultats de leur activité professionnelle.

Summary of microcredit's impact on various outcomes
Cr̩pon, Bruno, Florencio Devoto, Esther Duflo, and William Pariente. 2015. "Estimating the Impact of Microcredit on Those Who Take It Up: Evidence from a Randomized Experiment in Morocco." American Economic Journal: Applied Economics 7(1): 123-150.
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CGAP. "Financial Inclusion" https://www.cgap.org/topics/donors-investors. Accessed: 2015.01.20