Effet de pairs, diversité et camarades de chambre à l’Université, États-Unis

Researchers:
Johanne Boisjoly
Jacque Eccles
Fieldwork by:
Location:
A large, academically strong state university in the United States
Sample:
1 278 étudiants de première année
Chronologie:
1997 - 1999
Target group:
  • Higher education and universities
  • Students
Outcome of interest:
  • Discrimination
  • Attitudes and norms
Intervention type:
  • Intergroup/social contact
AEA RCT registration number:
AEARCTR-0001062
Partners:

Policy issue

Si l’impact des divisions sociales et raciales sur la société est bien connu, nous ne disposons que de peu d’information sur l’impact de politiques conçues pour réduire les conflits entre les groupes. Aux États-Unis, les efforts récemment déployés pour accroître la diversité en milieux scolaires et professionnels sont motivés par le fait que l’on espère que le mélange de personnes d’origines différentes va briser les stéréotypes et favoriser une meilleure compréhension et une plus grande empathie. Nous ne disposons que de peu de données empiriques sur l’effet réel des politiques d’action positive sur les attitudes individuelles ou sur les relations entre les groupes raciaux ou ethniques.

Context of the evaluation

Les universités constituent un environnement naturel pour l’étude des problématiques liées à la diversité. Les étudiants y vivent – sans doute pour la première fois – en étroit contact avec des personnes issues de groupes ethniques différents. L’affectation aléatoire des chambres dans les cités universitaires permet dans une certaine mesure de prévenir l’auto-ségrégation, et l'étude de ces conditions de vie peut être une source d’information sur les effets réels des politiques de mixité. L’université choisie a mis en place des politiques d’action positive fortes et, en moyenne, les étudiants noirs y obtiennent des notes aux examens qui sont plus d’un écart type inférieure à celles de leurs homologues blancs. Si ces politiques ont pour effet de renforcer les stéréotypes ou de causer des tensions entre les étudiants, c’est exactement le type d’effet que nous nous attendrions à constater pour une telle population.

Photo: Shutterstock.com

Details of the intervention

Cette étude examine les conséquences des interactions entre les groupes, dans un contexte réel, et tente de voir si les attitudes et comportements changent lorsque des personnes d'origine ethnique différente sont affectées de manière aléatoire dans une même chambre, afin de les faire vivre ensemble dès le début de leur première année à l’université. Dans le cadre de cette expérience, des étudiants d’une grande université américaine se sont vus attribuer leurs camarades de chambre de manière aléatoire, par un système de tirage au sort.

Le Service Logement de l’université a fourni, pour chaque étudiant, des données sur les demandes de logement et sur l’attribution de chambre. Dans le cadre d’un projet de Recherche Coopérative Universitaire qui comprenait une enquête auprès des étudiants, chaque étudiant a répondu à des questions portant sur les politiques sociales, les projets futurs et sur leurs retombées raciales/ethniques, socioéconomiques et comportementales. Une enquête de suivi a été menée en 2003, sur la cohorte de 1997, soit sur 1.278 étudiants blancs. Dans cette enquête, on a collecté des réponses sur les attitudes vis-à-vis des différentes ethnies, sur les comportements (par exemple, le temps passé avec d’autres étudiants appartenant à un groupe ethnique différent) et sur les objectifs de vie.

Results and policy lessons

Au moment de l’enquête finale, les étudiants blancs qui, par tirage au sort, s’étaient retrouvés avec un camarade de chambre noir, étaient plus susceptibles de soutenir les politiques d’action positive que ceux qui s’étaient retrouvés avec un camarade de chambre blanc. Parmi ces étudiants, le soutien aux politiques d’action positive était d’1/3 à 1/2 écart type supérieur. Les étudiants blancs qui, par tirage au sort, s’étaient vu attribuer un camarade de chambre issu de minorités, étaient plus susceptibles de déclarer qu’ils étaient plus à l’aise dans leurs interactions avec des membres des minorités ethniques, mais leurs amitiés et les comportements de socialisation qu’ils rapportaient restaient inchangés. Cependant, ils étaient aussi susceptibles de rester ami avec leur camarade de chambre après leur première année : 14 % des étudiants blancs ayant eu des camarades de chambre blancs et 15 % des étudiants blancs ayant eu des camarades de chambre noirs, considèrent que ces camarades sont leur « meilleur ami de fac ».

De plus, il ressort que les étudiants sont moins favorables à une augmentation des taxes pour les plus riches lorsque ceux-ci se voient apparier à des camarades de chambre issus de milieux à haut niveau de revenu, et plus susceptibles d'entreprendre des actions bénévoles lorsqu’ils se retrouvent à partager une chambre avec un étudiant issu de milieux à faible niveau de revenu. Ces résultats signifient que les effets comportementaux ne se limitent pas à l’effet de l’origine ethnique.

Le schéma qui ressort de ces résultats semble indiquer que les camarades de chambre ont bien un effet sur les attitudes, comme par exemple le soutien aux politiques d’action positive, et sur les comportements intermédiaires, comme par exemple, être à l’aise dans ses interactions avec d’autres. D’un autre côté, des comportements plus concrets tels que se lier d’amitié ou établir des liens sociaux avec des personnes appartenant à un autre groupe ethnique, ne semblent pas être modifiés par ces politiques. Dans leur ensemble, ces résultats suggèrent que les étudiants éprouvent une plus grande empathie vis-à-vis du groupe ethnique dont est originaire leur camarade de chambre, ce qui vient contredire les théories selon lesquelles les efforts délibérés visant à encourager la mixité pourraient en réalité raviver les tensions et exacerber les conflits.

Boisjoly, Johanne, Greg Duncan, Michael Kremer, Dan Levy, and Jacque Eccles. 2006. "Empathy or Antipathy? The Impact of Diversity." The American Economic Review 96(5): 1890-1905.