Médiation sociale pour la prévention de la violence et du harcèlement à l'école, en France

Researchers:
Nina Guyon
Elise Huillery
Fieldwork by:
Location:
France
Sample:
13 688 élèves fréquentant 306 établissements scolaires
Chronologie:
2013 - 2015
Target group:
  • Students
  • Teachers
Outcome of interest:
  • Enrollment and attendance
  • Violence
  • Aggressive behavior
Intervention type:
  • Coaching and mentoring
  • Psychosocial support
Research papers:
Partners:
Identifier des stratégies efficaces pour prévenir la violence et le harcèlement systématique en milieu scolaire peut contribuer à améliorer les résultats et le bien-être des élèves. Des chercheurs ont évalué l’efficacité de deux programmes visant à lutter contre la violence et le harcèlement dans les écoles primaires et les collèges de France. De manière générale, aucun des deux programmes n’a permis de faire reculer la violence ou le harcèlement. Cependant, la médiation sociale s’est avérée efficace lorsque le médiateur avait de l’expérience, en particulier pour les élèves les plus exposés à la violence avant l’intervention.

Policy issue

Dans de nombreuses régions du monde, la violence et le harcèlement en milieu scolaire sont des phénomènes très répandus. Si ces problèmes ne sont pas réglés, ils peuvent avoir des conséquences néfastes sur le bien-être des élèves, leurs résultats scolaires et leur avenir professionnel. Des recherches non expérimentales suggèrent que les enfants qui sont pris pour cible par leurs pairs ont plus de risques de souffrir de dépression et d’une faible estime de soi, d’avoir une scolarité moins longue et de toucher un salaire moins élevé une fois adultes. Identifier des stratégies efficaces pour réduire la violence en milieu scolaire et promouvoir un environnement d’apprentissage sûr peut contribuer à améliorer la réussite des élèves.

Context of the evaluation

Une enquête récente menée en France auprès de plus de 12 000 élèves d’école élémentaire âgés de 8 à 12 ans a révélé que 14 % d’entre eux avaient déjà été victimes d’agressions verbales à l’école (comme des moqueries), et que 10 % d’entre eux avaient déjà subi des violences physiques (comme des bousculades ou des coups). Si Ia plupart de ces élèves n’étaient pas harcelés de façon systématique, la majorité d’entre eux déclarait subir un harcèlement physique et verbal de manière occasionnelle.1

En 2012, France Médiation, un réseau d’organisations travaillant dans le domaine de la médiation sociale, a lancé le projet Médiation Sociale en Milieu Scolaire. Des médiateurs ont été recrutés par les membres du réseau et formés par France Médiation. Ils ont bénéficié d’un total de 22 jours de formation pour apprendre à repérer les situations de violence et de harcèlement en milieu scolaire, à arbitrer les conflits et à former d’autres personnes à devenir médiateurs à leur tour. Ils avaient entre 20 et 59 ans et n’avaient pas tous le même niveau d’expérience en tant que médiateurs.

 

Kids in school
Photo: Shutterstock.com

Details of the intervention

En partenariat avec France Médiation et l’université française Sciences Po Paris, des chercheurs ont évalué l’efficacité de deux programmes, Médiation Sociale en Milieu Scolaire et Prise de Conscience, qui visaient tous deux à réduire la violence et le harcèlement scolaires. L’étude portait sur 306 établissements scolaires, dont 226 écoles primaires et 80 collèges.

Dans le cadre de l’évaluation, les chercheurs ont appliqué une méthode de randomisation en deux étapes :

Dans un premier temps, ils ont assigné aléatoirement la moitié des établissements à bénéficier du programme Médiation Sociale en Milieu Scolaire, soit un total de 115 écoles primaires et 40 collèges. France Médiation a alors affecté à ces établissements un médiateur social formé pour aider à prévenir et à résoudre les conflits entre les élèves, le personnel et les parents d’élèves. Les médiateurs sociaux sensibilisaient les élèves et les enseignants à la violence et au harcèlement, les aidaient à résoudre leurs conflits, leur fournissaient un accompagnement personnalisé et formaient les enseignants et les élèves qui le souhaitaient pour leur permettre de devenir médiateurs à leur tour. Les médiateurs ont passé en moyenne trois jours par semaine dans les collèges tout au long de l’année scolaire (soit 112 jours en tout), et une demi-journée par semaine dans les écoles primaires (soit 27 jours au total).

Parmi les établissements scolaires restants, les chercheurs ont assigné aléatoirement 40 écoles primaires à recevoir le programme Prise de Conscience, mis en œuvre par Sciences-Po Paris. Dans le cadre de ce programme, les chercheurs ont effectué une enquête pour évaluer la prévalence de la violence et du harcèlement au sein de l’établissement scolaire, dont ils ont ensuite présenté les résultats au personnel de l’établissement afin de l’encourager à mettre en place des initiatives de prévention et de réduction de la violence.

Les 71 écoles primaires et 40 collèges restants ont servi de groupe témoin et n’ont donc bénéficié d’aucun programme.

Les chercheurs ont collecté des données administratives sur les résultats et l’assiduité des élèves, ainsi que des données d’enquête auto-déclarées sur les actes de violence et de harcèlement et sur le bien-être psychologique. Ils ont également recueilli des informations sur les perceptions du personnel scolaire et des parents d’élèves concernant la violence à l’école.

 

 

Results and policy lessons

De manière générale, aucun des deux programmes n’a permis de faire reculer la violence ou le harcèlement. Cependant, la médiation sociale s’est avérée efficace lorsque le médiateur avait de l’expérience, en particulier pour les élèves les plus exposés à la violence avant l’intervention.

Impact sur le harcèlement physique et verbal : La médiation sociale a réduit la violence et le harcèlement lorsque le médiateur était expérimenté, ainsi que pour les élèves les plus exposés à la violence avant l’intervention. Dans les collèges où intervenaient des médiateurs expérimentés (âgés de plus de 25 ans), le nombre d’élèves qui disaient avoir été harcelés verbalement a diminué de 1,6 point de pourcentage (14,5 %) par rapport à une moyenne de 11 % dans le groupe témoin. Les médiateurs expérimentés se sont avérés particulièrement efficaces pour les garçons de sixième, qui étaient les plus exposés à la violence et au harcèlement avant le programme. Chez ces élèves, le harcèlement a diminué de 6,4 points de pourcentage (46 %) par rapport à une moyenne de 14 % dans le groupe témoin.

À l’école primaire, les médiateurs expérimentés ont fait reculer le harcèlement chez les écolières de CE1 qui étaient initialement les plus exposées à la violence. En revanche, ils ont eu l’effet inverse sur les écolières de CM1, qui étaient initialement moins exposées à la violence et au harcèlement. Les chercheurs estiment que le soutien des médiateurs a pu conduire certains élèves de CM1 à prendre davantage conscience des phénomènes de violence et de harcèlement, et donc à être plus susceptibles d’identifier ces situations.

Impact sur le bien-être psychologique : Les médiateurs expérimentés ont amélioré le bien-être psychologique des collégiens qui étaient initialement les plus exposés à la violences. Les élèves de sixième de sexe masculin étaient ainsi moins susceptibles de se réveiller au milieu de la nuit et d’éprouver de l’ennui ou de la peur.

Absentéisme des enseignants et des élèves : La médiation sociale a réduit le taux d’absentéisme des enseignants et des élèves dans les collèges, mais n’a eu aucun impact dans les écoles primaires. Dans les collèges bénéficiant de médiateurs sociaux, la probabilité d’avoir au moins un enseignant absent par jour s’est trouvée réduite de moitié (22 % des établissements), par rapport à une moyenne de 50 % dans le groupe témoin. Lorsqu’ils étaient en contact avec un médiateur expérimenté, les garçons de sixième étaient moins susceptibles de sécher les cours (4,9 points de pourcentage de moins, soit 31 %), par rapport à une moyenne de 16 % dans le groupe témoin.

Selon les chercheurs, si la médiation sociale a mieux fonctionné au collège que dans les écoles primaires, c’est parce que les médiateurs y ont passé plus de temps auprès des enseignants et des élèves (trois jours par semaine au collège, contre seulement une demi-journée hebdomadaire à l’école primaire). À l’école primaire, le programme de médiation a permis d’améliorer les connaissances en matière de violence et de harcèlement, ainsi que la sensibilisation à ces problématiques, mais n’a pas duré assez longtemps pour aider les élèves à résoudre leurs conflits ou à devenir eux-mêmes médiateurs.

De manière générale, ces résultats suggèrent que le profil des médiateurs et le temps passé dans les écoles sont des facteurs déterminants de l’efficacité des dispositifs de médiation sociale.

1.