Les produits de santé préventive, comme les moustiquaires, les comprimés de déparasitage ou les pastilles de chlore pour purifier l’eau, sont bien plus utilisés lorsqu’ils sont distribués gratuitement.
Les responsables de politiques publiques et les personnes chargées de la mise en œuvre des programmes devraient renforcer la distribution gratuite des produits de santé préventive nécessaires à l’ensemble des ménages. Pour les produits dont seuls certains ménages ont besoin, la distribution de bons gratuits peut également être envisagée. Lorsque ces produits sont largement utilisés, ils apportent des bénéfices à l’échelle de toute la communauté. Les offrir gratuitement permet donc non seulement de maximiser leur impact, mais aussi d’en améliorer le rapport coût-efficacité.
Distribuer gratuitement ces produits de prévention améliore la santé des populations et réduit la pression sur les systèmes de santé. Lorsqu’un produit de santé est gratuit, il est utilisé par un plus grand nombre de personnes, ce qui se traduit par une meilleure santé pour davantage de ménages.
Même les personnes qui ont le plus besoin de ces produits peuvent être dissuadées par des frais minimes. Facturer l’accès peut rendre un programme moins efficace, en excluant des personnes qui auraient utilisé et tiré profit du produit, tout en générant peu de revenus.
Chaque année, des maladies évitables comme le paludisme ou la dengue causent environ 700 000 décès. Les infections intestinales liées aux vers parasites touchent environ 1,5 milliard de personnes, en grande majorité dans des communautés à faibles revenus. Sans intervention, ces maladies entraînent également d’importants coûts économiques pour les pays à revenu faible ou intermédiaire, en raison des dépenses de santé, des pertes de productivité, et des effets négatifs sur l’éducation et la croissance. Que partagent les moustiquaires, les comprimés de déparasitage et les produits de traitement de l’eau ? Ce sont des outils peu coûteux, dont l’efficacité est prouvée, pour se protéger contre ces maladies évitables, en particulier dans les pays à revenu faible ou intermédiaire.
Quand les personnes utilisent ces produits de prévention, elles tombent moins souvent malades. Les enfants manquent moins l’école, les adultes sont moins absents du travail, et les familles sont en meilleure santé. Mais les bénéfices ne s’arrêtent pas là : comme de nombreuses maladies sont contagieuses, une utilisation généralisée de ces produits dans une communauté peut prévenir les épidémies et protéger l’ensemble de la population.
Certaines idées reçues laissent penser que faire payer ces produits garantit qu’ils seront utilisés uniquement par des personnes qui les jugent utiles, ou que le fait de payer incite à les utiliser davantage. Mais les résultats de la recherche racontent une autre histoire. Des données issues de dix-sept études montrent que même un prix faible peut décourager les ménages de s’en procurer, réduisant ainsi l’efficacité globale du programme. Plusieurs études montrent aussi que des ajustements simples dans la conception du programme – comme l’offre de bons gratuits – permettent de réduire les coûts sans diminuer l’impact, en s’assurant que les ménages intéressés puissent accéder au produit.
La recommandation politique est claire : supprimer les frais d’usage et distribuer gratuitement les produits de santé préventive peu coûteux mais efficaces. Cette approche augmente fortement les chances que les personnes utilisent ces produits, avec des bénéfices pour elles-mêmes et pour leur entourage.
Faire payer des produits de santé préventive réduit fortement leur utilisation, alors que lorsqu’ils sont distribués gratuitement, ces produits sont en général bien utilisés.
Coûts et aspects opérationnels
Faire payer ces produits n’aide pas un programme à devenir plus viable financièrement. Dans huit pays et pour divers produits (moustiquaires, vitamines, etc.), les recherches montrent que même une légère augmentation du prix entraîne une baisse marquée de l’utilisation. Cette baisse concerne aussi les personnes qui en auraient le plus besoin. En conséquence, appliquer des frais d’utilisation peut limiter la portée du programme et réduire son efficacité par rapport à son coût. Pour que la distribution gratuite fonctionne, il est nécessaire que les organisations de santé publique reçoivent un appui de la part de bailleurs philanthropiques, de gouvernements ou de partenaires bilatéraux.
Même des frais modestes, avec subvention partielle, freinent fortement l’adoption. Et ces frais génèrent très peu de recettes. Par exemple, au Kenya, la proportion de femmes enceintes recevant des moustiquaires imprégnées lors des consultations prénatales est passée de 99 % à 39 % lorsque le prix est passé de 0 à 0,60 dollar – soit un prix encore subventionné à 92 %, le prix de marché étant de 7 dollars.
Cela peut sembler contre-intuitif, mais rendre un produit gratuit permet d’atteindre un nombre suffisamment plus élevé de personnes pour que le programme devienne plus efficace dans son ensemble. Toujours au Kenya, l’introduction de frais pour les traitements vermifuges destinés aux enfants a entraîné une baisse importante de leur utilisation, augmentant le coût net par enfant traité. Les chercheur·e·s ont estimé que même si faire payer un faible montant pouvait paraître légèrement moins coûteux par enfant sauvé, la distribution gratuite a permis de sauver beaucoup plus de vies, rendant le programme globalement plus efficace.
Pour certains produits, il est possible de conserver la gratuité tout en ajoutant des étapes simples, comme demander aux familles d’échanger un bon pour recevoir le produit. Cette approche peut rendre la distribution plus efficace, car les bons agissent comme un mécanisme de sélection : ce sont surtout les familles motivées à utiliser le produit qui prennent le temps de l’obtenir. Au Kenya et au Malawi, par exemple, les bons pour le traitement de l’eau ont permis de réduire les pertes tout en assurant une utilisation élevée, avec des effets positifs pour la santé publique.
Cela peut sembler contre-intuitif, mais offrir gratuitement ces produits permet de toucher bien plus de personnes, ce qui rend le programme globalement plus efficace et pertinent sur le plan des coûts.
Partenaires de mise en œuvre
Les organisations chargées de la mise en œuvre jouent un rôle essentiel dans le succès de ces programmes. Elles apportent une connaissance fine des contextes locaux, une expertise technique, et un engagement envers l’évaluation et l’apprentissage continu. À notre connaissance, les organisations suivantes tiennent compte de ces enseignements dans la conception de leurs programmes (liste classée par ordre alphabétique, non exhaustive) :
- Against Malaria Foundation (présente dans plusieurs pays)
- Evidence Action (présente dans plusieurs pays)
- Investing in Children and their Societies (ICS SP) (Afrique)
- Malaria Consortium (présente dans plusieurs pays)
- Partners In Health (présente dans plusieurs pays)
- Population Services International (présente dans plusieurs pays)
- TAMTAM (Afrique)
- The Global Fund (présente dans plusieurs pays)
Aujourd’hui, de nombreuses organisations soutiennent l’idée que la distribution gratuite est une stratégie efficace pour améliorer la santé. L’accès gratuit au traitement vermifuge a permis d’atteindre, à partir de 2023, plus de 350 millions d’enfants en Inde, au Kenya, au Nigeria, au Malawi et au Pakistan. Par ailleurs, près de 200 millions de moustiquaires imprégnées ont été distribuées gratuitement d’ici 2024.
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World Health Organization (WHO)
Photos:
(1) Women in northern Ghana pumping water from a well, which is their village’s only source of clean water. Credit: Rekindle Photo and Video, Shutterstock.com
(2) A woman in rural Kenya holding a mosquito net. Credit: Aude Guerrucci, J-PAL/IPA
(3) Two pharmacy employees. Credit: Dan Bjorkegren, J-PAL/IPA

