Groupements de créateurs : encourager la création d'entreprise chez les jeunes, en France

Researchers:
Nila Ceci-Renaud
Elise Huillery
Fieldwork by:
Location:
Quartiers défavorisés en France métropolitaine et d’outre-mer
Sample:
902 demandeurs d’emploi âgés de 18 à 25 ans
Chronologie:
2010 - 2015
Target group:
  • Entrepreneurs
  • Youth
Outcome of interest:
  • Earnings and income
  • Employment
  • Empowerment
  • Self-esteem/self-efficacy
Intervention type:
  • Coaching and mentoring
  • Training
  • Soft skills
AEA RCT registration number:
AEARCTR-0000391
Partners:
Bien qu’il existe en France de nombreux programmes destinés à soutenir et à encourager les jeunes entrepreneurs, peu de données sont disponibles sur les méthodes les plus efficaces pour accompagner les jeunes dans la création d’une activité. Des chercheurs ont évalué l’impact d’un programme visant à renforcer l’autonomie et les capacités décisionnelles des jeunes qui souhaitent créer une entreprise ou une organisation. Ils ont constaté que ce programme avait un impact positif sur la situation d’emploi, les revenus et la confiance en soi globale des participants.

Policy issue

Dans les régions qui connaissent un fort taux de chômage, les jeunes ont souvent des difficultés à accéder à un emploi stable. Face à cette situation, certains d’entre eux pourraient se tourner vers l’entrepreneuriat pour gagner leur vie. Cependant, créer une activité peut s’avérer difficile pour des jeunes dont les ressources financières, le capital social et les compétences techniques sont souvent limitées. Bien qu’il existe en France de nombreux programmes destinés à soutenir et à encourager les jeunes entrepreneurs, peu de données sont disponibles sur les méthodes les plus efficaces pour accompagner ces derniers dans la création d’une entreprise ou d’une organisation. Est-il plus efficace de leur fournir des conseils spécifiques sur la gestion d’une entreprise, ou des enseignements généraux sur la prise de décision ?

Context of the evaluation

Selon l’Observatoire National des Zones Urbaines Sensibles (ONZUS), au moment où l’intervention a été mise en œuvre en 2013, le taux de chômage atteignait un peu plus de 40 % chez les jeunes âgés de 15 à 24 ans vivant dans les quartiers défavorisés de France. Le programme ciblait particulièrement ces jeunes, puisque 55 % des participants avaient moins de 26 ans et que 44 % d’entre eux venaient de quartiers défavorisés. Environ deux tiers d’entre eux avaient sollicité l’aide de l’État pour trouver un emploi.

Pour développer l’emploi des jeunes (y compris les jeunes déscolarisés), le gouvernement français a mis en place des missions locales dans les quartiers défavorisés des villes et des banlieues. Ces missions proposent des formations professionnelles et une aide financière aux jeunes de la région.

 

Evaluation photo: groupements de createurs
Femme bénéficiant d'une aide à l'entreprise en France. Photo: Stéphanie Sellam

Details of the intervention

Des chercheurs se sont associés à l’Association Nationale des Groupements de Créateurs (ANGC) pour évaluer l’impact du programme Groupements de Créateurs, mis en œuvre dans seize missions locales à travers la France. 902 jeunes demandeurs d’emploi souhaitant organiser un événement ou créer une activité ont été assignés aléatoirement à un groupe de traitement ou à un groupe témoin. L’équipe de recherche a ensuite invité les membres du groupe de traitement à s’inscrire au programme évalué. Le groupe témoin n’a pas reçu d’invitation.

Le programme Groupements de Créateurs est un dispositif d’accompagnement professionnel non-directif dont l’approche pédagogique met l’accent sur l’autonomie décisionnelle. Plutôt que de dire aux jeunes entrepreneurs comment s’y prendre exactement pour développer leur projet, ce programme de deux ans permet aux participants de développer les compétences sociales et décisionnelles nécessaires pour leur permettre de se fixer leurs propres objectifs et de faire le nécessaire pour les atteindre. Au cours de la phase d’« émergence » du programme, qui dure en moyenne cinq à six mois, les bénéficiaires participent à des ateliers collectifs afin de définir et d’approfondir leur projet d’entreprise. Ils bénéficient également d’entretiens individuels avec des conseillers pour leur permettre d’identifier leurs motivations, de prendre conscience de leurs points forts et de leurs points faibles, mais aussi de clarifier leurs idées et leurs objectifs.

Après cette phase d’émergence, les jeunes passent à la phase de formation. Celle-ci prend la forme d’une formation de six mois dispensée au sein d’une université de la région, à l’issue de laquelle les participants reçoivent un diplôme technique de création d’entreprise. Suite à cela, les participants sont libres de créer leur activité en mobilisant les compétences acquises, notamment en matière de demande de subventions et de micro-crédits.

Les chercheurs ont réalisé trois enquêtes afin de collecter des informations sur la vie privée, professionnelle et socio-émotionnelle des participants. Ils ont d’abord effectué une enquête initiale, puis deux enquêtes de suivi par téléphone, respectivement 11 et 21 mois après le début du programme. Une quatrième enquête a en outre été réalisée sur internet en 2014, soit environ quatre ans après le début du programme, qui incluait des questions supplémentaires sur l’autonomie et le bien-être des participants.

Results and policy lessons

Le programme a accéléré l’orientation des participants vers une formation professionnelle au cours de la première année, et leur a permis d’atteindre une situation professionnelle plus stable et une plus grande autonomie financière au cours de la deuxième année, par rapport aux membres du groupe témoin. L’approche non-directive du programme semble être un moyen efficace et peu coûteux de favoriser l’insertion professionnelle des jeunes, les participants en tirant des bénéfices dans les deux ans qui suivent le début du programme.

Impact sur la formation professionnelle : Environ 80 % des 460 jeunes invités à participer au programme ont assisté à au moins un entretien ou un atelier au cours de la phase d’émergence du programme, 60 % d’entre eux ayant participé à un atelier collectif. Suite à la phase d’émergence, les jeunes du groupe de traitement ont été plus nombreux à s’engager dans une formation professionnelle proposée par les missions locales ou par d’autres établissements au cours de la première année. Plus de 20 % des jeunes du groupe de traitement ont ainsi suivi une formation au cours de leur première année, contre seulement 10 % dans le groupe témoin. Cependant, au cours de la deuxième année, les jeunes du groupe témoin ont été plus nombreux à suivre des formations que les participants au programme. Par conséquent, aucun des deux groupes n’était plus susceptible de s’être inscrit à une formation au moment de l’enquête de suivi à 21 mois.

Impact sur l’emploi : Onze mois après le début du programme, le fait d’avoir été invité à y participer n’avait eu aucun impact sur l’emploi ou le salaire des jeunes. Cependant, les participants du groupe de traitement étaient plus nombreux que ceux du groupe témoin à être passés d’une activité indépendante à un emploi salarié au moment de l’enquête de suivi à 21 mois. Cette réorientation est peut-être le résultat des réflexions menées dans le cadre de l’accompagnement proposé par le programme Groupements de Créateurs, qui ont potentiellement permis à certains participants de prendre conscience que leur projet n’était pas réaliste ou qu’il était trop coûteux à mettre en œuvre.

Impact sur le revenu des participants : Au bout de deux ans, les jeunes du groupe de traitement étaient plus nombreux que ceux du groupe témoin à percevoir un revenu d’activité supérieur au salaire minimum (1 000 € par mois, soit 1 282 USD en 2013). En moyenne, les participants du groupe de traitement gagnaient 118 euros de plus, ce qui équivaut à un salaire supérieur de 28 % à celui des membres du groupe témoin (414 €, soit 531 USD). Cependant, cette hausse des revenus salariaux s’est accompagnée d’une réduction des aides financières reçues de l’État ou de la famille. Ainsi, bien que le revenu mensuel global soit similaire dans les deux groupes, les participants au programme étaient en réalité plus autonomes sur le plan financier, leurs revenus provenant en plus grande partie de leur salaire mensuel plutôt que d’une aide de l’État ou de leurs proches.

Impact sur l’autonomie et l’efficacité personnelle des jeunes : Les jeunes du groupe de traitement étaient plus nombreux que ceux du groupe témoin à déclarer faire confiance à la plupart des gens, ce qui est un indicateur de confiance en soi et d’optimisme. En revanche, les jeunes participants n’étaient pas plus susceptibles d’avoir quitté le domicile de leurs parents que ceux du groupe témoin. Ce résultat suggère que le gain des participants en termes d’autonomie financière n’a pas été suffisant pour leur permettre de déménager, ou que déménager n’était pas une priorité pour eux.