Accompagnement et placement des jeunes diplômés demandeurs d’emploi en France

Fieldwork by:
Location:
10 régions à travers la France
Sample:
30 000 demandeurs d’emploi âgés de 18 à 30 ans
Chronologie:
2008 - 2009
Target group:
  • Job seekers
Outcome of interest:
  • Employment
Intervention type:
  • Job counseling
  • Recruitment and hiring
Partners:

La mise en place, dans dix régions françaises, d’un accompagnement des jeunes demandeurs d’emploi diplômés du supérieur leur a permis de trouver du travail plus rapidement. Cependant, cette amélioration s’est opérée au détriment de ceux n’ayant pas été accompagnés, et elle n’a pas entraîné une augmentation durable du taux d’emploi.

Policy issue

En France, plus d’un quart des jeunes diplômés ne parviennent pas à trouver un emploi stable. De nombreux pays développés sont dans la même situation et leur proposent un appui spécialisé : en les préparant aux procédures de recrutement et en les mettant en relation avec des employeurs potentiels, les organismes d’accompagnement sont censés faciliter la recherche et poser les jalons d’un emploi de long terme.

Ce faisant, a-t-on un impact sur le taux net d’emploi ou se contente-t-on de transférer les possibilités d’embauche des individus non pris en charge vers ceux bénéficiant de l’accompagnement? Il s’agirait alors d’un effet de « déplacement », ou d’éviction. Il est nécessaire de tester empiriquement les services d’accompagnement renforcé pour mesurer leur impact sur le taux d’activité, d’une part parmi les individus en bénéficiant, d’autre part sur l’ensemble du marché du travail.

Context of the evaluation

En France, on estime que 25 à 32 % des jeunes diplômés du supérieur ne parviennent pas à trouver un emploi stable dans les trois ans suivant l’obtention de leur diplôme . Certains d’entre eux ne bénéficient pas des allocations chômage en raison d’un nombre insuffisant d’heures travaillées. A partir de la mi-2000, le service public de l’emploi a commencé à recourir à des opérateurs privés de placement (OPP) pour accompagner certains publics menacés par le chômage de longue durée.

A job counseling session in Paris, France.
Une session de conseil en emploi à Paris en France. Photo: Aude Guerrucci | J-PAL/IPA

Details of the intervention

Une évaluation randomisée de ce programme a été réalisée entre 2007 et 2010, couvrant 235 collectivités dans dix régions de France. L’objectif de l’étude était de déterminer si l’offre de conseils en matière d’emploi créait un effet de déplacement au détriment des demandeurs d’emploi ne bénéficiant pas de conseils, et quelle était l’ampleur de cet effet. Près de 30 000 jeunes demandeurs d’emploi ont été sélectionnés de manière aléatoire pour participer à l’évaluation. Ces jeunes étaient généralement âgés d’une vingtaine d’années, avaient fait des études supérieures (ils possédaient au moins un diplôme équivalent à deux ans d’études supérieures) et n’avaient pas trouvé d’emploi stable depuis au moins six mois. Près des deux tiers de l’échantillon étaient des femmes., et 67 pour cent de l’échantillond’entre eux ne percevaient pas d'allocations chômage au moment de l’étude en raison d’un nombre d’heures travaillées insuffisant.

Une méthode de randomisation en deux étapes a été utilisée pour l’évaluation : d’abord, l’attribution aléatoire d’une portion des demandeurs d’emploi qui suivraient un programme d’accompagnement intensif dans une communauté donnée, puis l’attribution aléatoire des demandeurs d’emploi de chaque communauté traitée au groupe test ou au groupe témoin. Les personnes assignées au groupe test ont été mises en contact avec une agence privée pour un accompagnement intensif vers l’emploi pour une durée d’un an, tandis que les personnes du groupe témoin ont continué de bénéficier de l’accompagnement d’un conseiller Pôle Emploi s’ils le souhaitaient. Étant donné que les individus dans chaque groupe pouvaient bénéficier de conseils par l’intermédiaire de Pôle Emploi, cette évaluation mesure l’impact de compléter l’accompagnement public en matière d’emploi en ajoutant un accompagnement plus intensif dispensé par un prestataire privé.

 

  1. Accompagnement intensif par un prestataire privé : Des cabinets de conseil privés (à but lucratif ou non) ont reçu les noms des demandeurs d’emploi et les ont invités à participer à un programme d’accompagnement en deux étapes. La première étape était axée sur la recherche d’un emploi deà longue duréelongu-terme (d’une durée d’au moins six mois) et la seconde sur leura stabilisation des demandeurs d’emploi dans ce nouvel emploi. Le gouvernement n’a pas prescrit une structure de conseil en particulier, mais il a offert aux agences des incitations - jusqu’à 2100 euros par personne conseillée - pour atteindre des objectifs de résultats spécifiques : inscrire un demandeur d’emploi éligible au programme, lui trouver un contrat de travail d’au moins six mois, et faire en sorte que ce demandeur d’emploi soit toujours employé six mois après son entrée dans le programme.
  2. Proportion de demandeurs d’emploi locaux bénéficiant de conseils : Les chercheurs ont fait varier la proportion de jeunes éligibles à qui l’on a offert des conseils dans chaque communauté de 0%, 25%, 50%, 75%, jusqu’à 100% afin d’examiner les effets d’un plus grand nombre ou d’un plus petit nombre de personnes recevant des conseils sur le marché de l’emploi local. Si l’accompagnement de certains demandeurs d’emploi se fait aux dépens de ceux qui ne bénéficient pas de conseils, on peut s’attendre à un taux de chômage plus élevé chez les jeunes qui n’ont pas été accompagnés dans les communautés où certains jeunes ont bénéficié d’une orientation intensive.

Results and policy lessons

Seuls 35 % des individus du groupe test ont participé au programme d’accompagnement renforcé.

Ce faible taux de participation pourrait s’expliquer par le fait que près de la moitié des participants avait déjà une forme d’activité professionnelle au moment où ils ont été sélectionnés pour bénéficier du programme. Le niveau de participation a été supérieur parmi les individus ne travaillant pas, ayant un niveau d’étude inférieur ou recevant des allocations chômage.

Les membres du groupe test ont trouvé un emploi plus vite que ceux du groupe témoin vivant dans les mêmes zones, mais douze mois après le début du programme, on n’observe plus de différence.

À l’horizon de huit mois, les demandeurs d’emploi du groupe test présentaient une probabilité supérieure de 2,5 points de pourcentage d’avoir trouvé un emploi durable. Cette amélioration a surtout touché des hommes, ainsi que les demandeurs d’emploi ayant signé un contrat à durée déterminée (CDD). En revanche, le nombre de contrats à durée indéterminée (CDI) n’a pas augmenté. Toutes les améliorations en termes d’emploi ont disparu après 12 mois.

L’accompagnement renforcé a provoqué un effet d’éviction et réduit le taux d’emploi parmi les individus du groupe témoin vivant dans les zones où le programme était proposé.

Dans ces zones, après 12 mois, les chômeurs auxquels un accompagnement avait été proposé présentaient une probabilité supérieure de 2,5 points de pourcentage d’avoir trouvé un emploi durable par rapport à leurs pairs non accompagnés. En revanche, ces pairs présentaient une probabilité inférieure de 2,1 points de pourcentage d’avoir trouvé un emploi durable par rapport à ceux vivant dans les zones où le programme n’était pas proposé. Par conséquent, l’effet net de se voir proposer le programme est faible et non significatif.

L’impact globalement faible de la proposition d’accompagnement renforcé s’explique en partie par un taux de participation au programme relativement modeste (35%).

L’avantage direct tiré par les individus ayant adhéré au programme a été largement contrebalancé par les effets d’éviction sur les demandeurs d’emploi assignés au groupe test mais n’ayant pas adhéré.

C’est lorsque les demandeurs d’emploi éligibles se trouvaient en concurrence pour un nombre d’emplois limité que l’effet d’éviction a été le plus fort.

Dans les zones du programme présentant des marchés du travail extrêmement compétitifs, le taux d’emploi des individus du groupe témoin était de 7,7 points de pourcentage inférieur à celui des individus vivant dans les zones où le programme n’était pas proposé.

En France, la mise en place d’un accompagnement renforcé à l’emploi a permis à des jeunes diplômés de trouver du travail légèrement plus vite que leurs pairs vivant dans la même zone mais n’ayant pas été accompagnés.

En revanche, leur taux d’emploi à long terme ne s’en est pas trouvé augmenté. Cette évaluation n’a pas mis en évidence un effet de « pied à l’étrier » qui aurait permis aux jeunes de voir leur CDD, par nature temporaire, transformé en CDI.

Des effets positifs pour les participants à un programme n’impliquent pas forcément des effets positifs pour l’ensemble de la population.

Si les bénéficiaires d’un accompagnement renforcé présentent une probabilité supérieure de trouver du travail, cela peut se faire au détriment d’autres demandeurs d’emploi avec lesquels ils sont en concurrence sur le marché du travail. Cet effet d’éviction peut être tel que l’impact net du programme soit quasiment nul. Cela n’invalide pas pour autant le recours à ce type de programmes, qui ne doivent pas être poursuivis pour obtenir des effets macroéconomiques sur le chômage mais à une fin redistributive, pour rééquilibrer l’accès à l’emploi en faveur de petits groupes bien ciblés qui doivent être soutenus en priorité.

Il est possible de tester empiriquement des programmes de grande envergure portant sur le marché du travail et d’en tirer des éléments pouvant orienter les politiques publiques nationales.

La plupart des évaluations existantes de politiques publiques d’emploi comparent des groupes test et témoin constitués d’individus issus des mêmes zones : ainsi, elles ne tiennent pas compte d’éventuels effets de diffusion. Si cette étude n’avait pas été menée à grande échelle, elle aurait conclu à un effet positif à court terme d’un tel accompagnement renforcé à l’emploi: il aurait été impossible de mettre en évidence un effet d’éviction.

Lire la synthèse en français.

"L'Accompagnement des jeunes diplomes demandeurs d'emploi par des operateurs prives de placement: les enseignements d'une evaluation." 2011. Dares Analyses 094: 1-14. Crepon, Bruno, Esther Duflo, Marc Gurgand, Roland Rathelot, and Philippe Zamora. 2013. "Do Labor Market Policies Have Displacement Effect? Evidence From a Clustered Random Experiment." The Quarterly Journal of Economics 128(2): 531-580.