Renforcer la recherche en économie du développement en Afrique : Retour sur l'école d'été « Méthodologies du développement »

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Group of people at the Development Methodologies summer-school
Photo: Noeïm Photographie

Pour soutenir à la fois la production et l’utilisation des données probantes pour éclairer les politiques publiques en Afrique, le J-PAL s'est associé à l'Agence française de développement (AFD), au Fonds d'Innovation pour le Développement (FID) et à l'École Nationale Supérieure de Statistique et d'Économie Appliquée d'Abidjan (ENSEA) pour proposer une école d’été à plus de soixante-dix chercheurs et décideurs politiques de dix-sept pays d'Afrique. L’école d’été faisait partie d'une série d'activités organisées dans le cadre de la Chaire Méthodologies du Développement portée par Abhijit Banerjee et Esther Duflo, co-fondateurs du J-PAL, à l'École d'Économie de Paris et l’université Paris-Dauphine dans le but de « favoriser les recherches en économie du développement afin d’éclairer les politiques publiques de développement ». Cette école d'été fait suite à l'édition « Innovations pour le développement » organisée virtuellement en 2021.

Renforcer les capacités de recherche en économie du développement

Bien qu'il soit de plus en plus reconnu qu'associer des chercheurs locaux dans les études du développement peut renforcer l'impact politique de la recherche et soutenir la conception de politiques sociales plus inclusives, les chercheurs africains restent sous-représentés dans les publications économiques.

Comment donc mieux tirer parti des capacités de recherche déjà existantes sur le continent ? Dans un précédent blog, nos collègues de J-PAL Afrique identifiaient certains des principaux obstacles auxquels font face les chercheurs africains, notamment le manque d’accès au financement de la recherche, aux réseaux professionnels et aux opportunités de formation. L’école d’été a été conçue pour aider à atténuer certains de ces obstacles pour les quarante chercheurs participants.

Formation : Afin de renforcer leurs capacités en évaluation d’impact, les chercheurs ont eu à prendre part à plusieurs sessions de formation méthodologique sur les évaluations randomisées. Sur la base des enseignements tirés de l'édition 2021 de l’école d’été, la formation a été proposée en français et en anglais, en reconnaissance du fait que les chercheurs non-anglophones n’ont souvent pas l’opportunité de bénéficier de telles opportunités de renforcement des capacités.

Financement : Les chercheurs africains ont un accès limité aux opportunités de financement de la recherche, par rapport à leurs homologues nord-américains et européens.  La participation du FID, lancé en 2019 pour identifier, tester et mettre à l'échelle des solutions innovantes en matière de développement dans les pays à revenu faible et intermédiaire, a permis d’augmenter la visibilité du fonds auprès des participants intéressés. Les différentes opportunités de financement à travers les programmes « African Scholars » du J-PAL ont également été mises en avant par l’équipe de J-PAL Afrique présente lors de l’évènement.

Réseau: L'accès limité aux réseaux professionnels dans le milieu universitaire peut freiner la progression de nombreux chercheurs provenant des pays en voie de développement, notamment ceux pour lesquels l'anglais n'est pas la langue de travail. Pendant quatre jours, les participants ont pu interagir de manière continue avec une équipe enseignante qualifiée menée par des chercheurs affiliés du J-PAL, et bénéficier de leurs commentaires sur leurs projets de recherche. Dans cette optique d'élargissement des réseaux professionnels des participants, le bureau Innovations for Poverty Action (IPA) en Afrique de l'Ouest Francophone a présenté ses efforts de diversification de son réseau de chercheurs. Enfin, un groupe WhatsApp créé à l’initiative des participants fournira un forum pour maintenir les échanges entre les participants au-delà de l'événement.

Participants had the opportunity to present their own research projects and receive feedback from the teaching team
Les participants ont eu l'occasion de présenter leurs propres projets de recherche et de recevoir des commentaires de la part de l'équipe enseignante.
Photo: Noeïm Photographie

La production de données probantes à elle seule ne suffit pas à influencer les politiques publiques ; c'est pourquoi l’école d’été a également proposé un module de formation parallèle axée sur l’intégration et l'utilisation des preuves dans les processus décisionnels des décideurs politiques. Ce module a réuni plus de trente décideurs politiques représentant 28 organismes gouvernementaux au Bénin, au Burkina Faso, en Côte d'Ivoire, au Maroc, au Niger et au Togo.

Ce module a mis en lumière des exemples pratiques de la manière dont des données probantes peuvent guider l'élaboration de programmes de développement avec un potentiel de mise à l’échelle. L’équipe de Teaching at the Right Level (TaRL) Africa ont exposé le processus d'adaptation et de mise à l'échelle de l'approche TaRL à travers le continent. Le personnel de J-PAL Afrique a également contribué à ce module en élaborant sur les processus de création de partenariats gouvernementaux qui sous-tendent le travail mené dans le cadre de l’Initiative pour la Finance et l’Identification Numériques en Afrique (DigiFI Afrique).

Opérationnaliser un agenda de l’emploi fondé sur des données probantes

L’école d’été s'est clôturée par une table ronde mettant en lumière les efforts déployés par la Direction Générale de l'Emploi (DGE) et le Bureau de Coordination des Programmes Emploi (BCP-Emploi) en Côte d'Ivoire pour opérationnaliser un agenda de l’emploi fondée sur des données probantes.

Hermann Toualy, Coordinateur du BCP-Emploi, a ouvert la session en partageant les enseignements tirés des évaluations d’impact portant sur différentes approches permettant d'améliorer les perspectives d'emploi des jeunes demandeurs d'emploi. Sa présentation a porté sur les résultats de l'impact d'un programme d'apprentissage dual et d'un programme de travaux publics, mis en œuvre dans le cadre du Projet Emploi Jeunes et Développement des Compétences de Côte d'Ivoire. Assi Kimoi, Directeur Adjoint de la Cellule d’Analyse de Politiques Économiques du Centre Ivoirien de Recherches Economiques et Sociales, a ensuite partagé les résultats de l’évaluation randomisée d'un programme de développement des compétences socio-comportementales mise en œuvre dans le cadre du Service d'action civique pour l'emploi et le développement. Il a été précédé par Mamadou Touré, Directeur Général de l’Office du Service Civique National, qui a donné un aperçu des activités de développement des compétences socio-comportementales de bureau, un pilier du plan national de développement du pays. Lors la dernière partie du panel, Cyrille Gnalega, Sous-Directeur de Études et des Analyses Statistiques à la DGE, a présenté les efforts d'institutionnalisation d’une culture de prise de décision fondée sur les preuves au sein de la DGE, via la création d'un Laboratoire Intégré pour l’Emploi avec l'assistance technique d'IPA.

Perspectives d’avenir

Présidant la cérémonie inaugurale de l’école d’été, la Ministre ivoirienne du Plan et du Développement, Nialé Kaba, a décrit l’école d’été comme une occasion de « renforcer le lien entre décideurs et chercheurs » pour promouvoir une culture d'utilisation des preuves dans l’élaboration des politiques publiques en Afrique. Si les évaluations d'impact rigoureuses peuvent être un outil puissant pour identifier des solutions efficaces aux défis du développement, un écosystème propice est nécessaire pour que ces recherches puissent informer la décision publique. Dès lors, il est important de faciliter le lien entre les décideurs politiques et chercheurs, deux acteurs clés de cet écosystème, tout en renforçant les capacités de production et d’utilisation des preuves issues d'évaluations rigoureuses.

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