Le paradis perdu des nouveaux marchés : une entreprise de courtage agricole, Kenya

Researchers:
Xavier Giné
Location:
Gichugu, division du district de Kirinyaga, Kenya
Sample:
plus de 1000 paysans répartis en 36 groupes d’entraide mutuelle
Chronologie:
2003 - 2005
Target group:
  • Farmers
  • Rural population
Outcome of interest:
  • Market access
  • Profits/revenues
Intervention type:
  • Credit
  • Fertilizer and agricultural inputs
  • Training
  • Export support
AEA RCT registration number:
AEARCTR-0001812
Partners:

Policy issue

Dans une grande partie des pays en développement, les paysans cultivent pour leur propre consommation ou au mieux pour la consommation locale, en dépit de solutions à l’exportation qui pourraient être plus rentables pour eux. Plusieurs raisons plausibles permettent d’expliquer ce refus de gagner plus en exportant: est-ce le manque d’information sur la rentabilité de cette option, l’absence d’accès aux capitaux nécessaires pour se lancer dans l’exportation, l’inadaptation des infrastructures pour acheminer les produitsjusqu'aux centres urbains, la peur du risque associé au marché de l’export, ou est-ce simplement dû au fait que les chercheurs ont mal compris la motivation des producteurs à trouver de nouvelles et réelles opportunités de gain ?

Context of the evaluation

Le Kenya, pays au taux de pauvreté de 50 %, a fait l’objet d’une grande attention au cours des dix dernières années en raison de la croissance rapide et soutenue de son horticulture. Mais si l’Europe s’est découvert un grand appétit pour les produits agricoleskényans, les petits exploitants locaux n’ont pas su saisir cette opportunité. De nombreux paysans se contentent de toucher le maigre produit de leurs récoltes en les vendant à la ferme ou sur le marché local. Environ la moitié du revenu des familles des paysans interrogés provient de l’agriculture. La plupart sont propriétaires des terres qu’ils cultivent et la taille moyenne d’une exploitation ne dépasse en général pas un demi hectare. 50 % des paysans produisent des cultures vivrières, 34 % les vendent, et seuls 12 % des paysans destinent au moins une partie de leur récoltes à l’exportation.

Two men with cart pulled by donkey
DrumNet linked smallholder farmers in Kenya to commercial banks, retail farm suppliers, transportation services, and exporters. Photo: Aude Guerrucci | J-PAL/IPA
Aude Guerrucci

Details of the intervention

En association avec DrumNet, une ONG kenyane, les chercheurs ont cherché à déterminer si une offre de services pourrait aider ces petits agriculteurs à surmonter les barrières à l'adoption, au financement et à la commercialisation des récoltes à l'export. DrumNet a proposé un programme d'exportation de produits horticoles, avec un service de microcrédit créant une passerelle entre les petits exploitants et le monde des banques commerciales, celui des fournisseurs de produits agricoles, celui des services de transport et des exportateurs. Pour devenir membre de DrumNet, l'exploitant devait s'engager à participer à des réunions d'entraide mutuelle, à montrer son intérêt pour cultiver des produits destinés à être exportés par DrumNet, et disposer de terres irriguées.

En 2003, les chercheurs ont sélectionné de manière aléatoire 36 groupes d'entraide mutuelle dans la région de Gichugu. Ils ont été répartis en trois groupes d’expérimentation : le premier groupe test a bénéficié de l’ensemble des prestations de DrumNet, le second groupe test a bénéficié de l'ensemble des prestations de DrumNet sauf le crédit et le troisième a servi de groupe contrôle.


Tous les individus des deux groupes test ont reçu une formation de quatre semaines au cours de laquelle on leur a expliqué les mécanismes de financement et de vente et exposé les bonnes pratiques agricoles. De plus, tous les individus des groupes test ont ouvert un compte-épargne personnel auprès d'une banque locale afin d’être en mesure de faire face à d'éventuelles futures transactions commerciales. Les individus du groupe test qui ont bénéficié du crédit ont également été invités à mettre l'équivalent d'une semaine de salaire en espèces à titre de garantie collatérale partielle pour l’ouverture d’une ligne de crédit. Les paysans ont été répartis par groupes de cinq, solidairement responsables des emprunts contractés. Par l’intermédiaire de DrumNet, les clients se voyaient attribuer une ligne de crédit auprès du magasin local de fournitures agricoles.

Au moment de la récolte, pour les individus des deux groupes test, DrumNet se chargeait de négocier les prix avec un exportateur et d'organiser l'expédition des produits. Une fois les produits délivrés aux exportateurs, ils payaient DrumNet qui, après avoir déduit les remboursements éventuels, versait la somme restante sur les comptes d'épargnes individuels que chaqhe agriculteur avait ouvert lors de leur inscription.

Results and policy lessons

Impact sur les cultures d’exportation : Un an après le lancement du programme, les individus des groupes test étaient à 19,2 % plus susceptibles de cultiver pour l’exportation, mais sans pour autant voir se dégager des gains significatifs en termes de revenus. Sur les 12 groupes d’entraide mutuelle, 10 ont choisi de profiter des services de DrumNet lorsque des lignes de crédit leur ont été proposées, contre 5 sur 12 lorsque cela ne leur était pas proposé, ce qui tend à montrer que les paysans considèrent le crédit comme une composante importante pour cultiver en vue d'exporter. S’il est vrai que la disponibilité de crédit aurait pu aider certains clients à exporter, l’accès au crédit n’a pas amélioré leurs revenus (par comparaison aux groupes ne bénéficiant pas de crédits).

Conséquences à long terme :
Il est regrettable de noter, qu’un an après la fin de l’évaluation, les paysans n’ayant pu recevoir l’agrément à l’exportation de l’UE, les exportateurs ont cessé d’acheter leurs produits. Cette décision a entraîné la fin du programme de DrumNet dans la mesure où les produits des paysans réservés à l’exportation se retrouvaient laissés à l’abandon tandis que les emprunts n’étaient pas remboursés. Les paysans ont fini par retourner vers le marché local, confirmant ainsi les inquiétudes qui pesaient préalablement sur les risques du marché de l’exportation.
Ashraf, Nava, Xavier Gin̩, and Dean Karlan. 2009. "Finding Missing Markets (and a Disturbing Epilogue): Evidence from an Export Crop Adoption and Marketing Intervention in Kenya." American Journal of Agricultural Economics 91(4): 973-90.