Impliquer les parents d’élèves pour améliorer la scolarité de leurs enfants

Le ministère français de l’Education Nationale a généralisé un programme d’implication des parents d’élèves à tous les établissements scolaires publics du pays sur la base du volontariat.
Structured group meetings between parents and school leaders motivated parents to engage with their children’s education. Photo: Aude Guerrucci | J-PAL
Photo: Aude Guerrucci

Impliquer les parents d’élèves afin d’aider leurs enfants à réussir à l’école est une stratégie peu coûteuse pour améliorer les performances scolaires. Des recherches menées par Marc Gurgand (Ecole d’Economie de Paris) et Eric Maurin (Ecole d’Economie de Paris), tous deux affiliés à J-PAL, ainsi que Francesco Avvisati, Dominique Goux et Nina Guyon, ont montré que l’organisation de réunions-débats entre les parents d’élèves et le personnel des établissements scolaires permettait aux parents de s’impliquer davantage dans la scolarité de leur enfant, ce qui avait pour effet d’améliorer le comportement des élèves et de réduire le taux d’abandon scolaire. Sur la base de ces recherches, le ministère français de l’Education Nationale a encouragé les établissements scolaires à favoriser l’implication des parents aux moments décisifs de la scolarité de leur enfant puis, en 2015, a proposé le programme d’implication des parents à tous les établissements scolaires publics de France qui souhaitaient y participer.

Le problème 

S’il est largement admis que l’implication des parents dans la scolarité de leur enfant améliore les performances des élèves, de nombreux parents font face à des obstacles qui les empêchent de soutenir la scolarité de leur enfant.

L’éducation est un facteur essentiel pour améliorer les chances de réussite des enfants issus de milieux défavorisés dans leur vie d’adulte. Cependant, dans les sociétés industrialisées, de nombreux enfants quittent l’école sans maîtriser les compétences fondamentales, notamment en raison de problèmes de pauvreté, d’absentéisme et d’un certain désinvestissement des élèves vis-à-vis de l’école. En outre, il existe un lien étroit entre pauvreté et faible niveau d’instruction des parents, d’une part, et mauvaises performances scolaires des enfants, d’autre part.

Les parents plus instruits ont tendance à être plus impliqués dans la scolarité de leur enfant, à mieux connaître le système scolaire et à avoir davantage de matériel éducatif à la maison, autant d’éléments qui peuvent favoriser la réussite scolaire des enfants. Si les parents issus de milieux défavorisés connaissent mal le fonctionnement de l’institution scolaire ou ignorent comment accompagner et superviser leurs enfants dans leurs devoirs et leurs choix d’orientation, il est possible qu’un programme encourageant l’implication parentale favorise la réussite scolaire des élèves.

La recherche

L’intervention d’implication parentale a augmenté les interactions des parents avec les établissements scolaires, amélioré le comportement des élèves et réduit le taux de décrochage.

Entre 2008 et 2013, des chercheurs affiliés à J-PAL et leurs co-auteurs ont mené une série d’évaluations aléatoires en France pour déterminer si l’organisation de plusieurs réunions-débats entre les parents d’élèves et le personnel des établissements scolaires pouvait motiver les parents à s’impliquer davantage dans la scolarité de leur enfant, et améliorer ainsi les performances scolaires.

Le programme, intitulé La Mallette, consistait en trois réunions de deux heures ouvertes à tous les parents d’élèves de sixième. Les discussions étaient le plus souvent animées par le principal du collège, sur la base de consignes précises élaborées par les experts pédagogiques du rectorat. Les animateurs projetaient un DVD expliquant le rôle des différents acteurs de l’établissement, disponible en dix langues pour être accessible aux parents dont le français n’était pas la langue maternelle, et distribuaient des documents expliquant les fonctions des différents services de l’établissement. Les parents étaient encouragés à s’impliquer dans la scolarité de leur enfant, et les animateurs leur expliquaient la structure et le fonctionnement de l’établissement et leur donnaient des conseils pratiques pour aider et superviser leurs enfants dans leurs devoirs à la maison.

Les chercheurs ont constaté que les parents ayant assisté aux réunions s’impliquaient ensuite beaucoup plus dans l’apprentissage de leur enfant : ils prenaient plus de rendez-vous individuels avec les enseignants, participaient davantage aux associations de parents d’élèves et étaient plus impliqués dans le travail scolaire de leur enfant à la maison. Cette augmentation de l’implication parentale s’est traduite par une amélioration sensible du comportement des élèves. En effet, les enfants des parents participants étaient moins souvent absents et moins souvent sanctionnés pour motif disciplinaire. En outre, des améliorations ont également été constatées chez leurs camarades de classe dont les parents n’avaient pas assisté aux réunions.

Dans le cadre d’une évaluation de suivi, les chercheurs ont évalué un programme similaire visant à aider les parents à se familiariser avec le système scolaire et à s’impliquer dans les décisions relatives à la scolarité de leur enfant en classe de troisième, au moment où les élèves choisissent leur orientation pour le lycée. Les principaux des collèges ont convié les parents des élèves en difficulté à deux réunions au cours desquelles ils ont abordé les différentes options d’orientation possibles pour leurs enfants. Le cas échéant, les principaux ont fourni aux parents des informations ciblées sur les alternatives possibles au redoublement ou à la sortie du système scolaire, comme les lycées professionnels et les filières d’apprentissage. Le programme a aidé les parents et leurs enfants à faire des choix plus réalistes en matière d’orientation, faisant ainsi passer le taux d’abandon scolaire de 20 à 15 %.

Pour plus de détails, voir la synthèse J-PAL à ce sujet.

Traduire la recherche en action

Sur la base de ces recherches, le ministère français de l’Éducation Nationale a généralisé le programme à tous les établissements publics sur la base du volontariat.

Sur la base des résultats publiés dans le rapport final d’évaluation, le ministère français de l’Éducation Nationale a publié en 2010 une circulaire annonçant la généralisation du programme à toutes les classes de sixième dans 1 300 collèges publics.1 Puis, au début de l’année scolaire 2015, le ministère a mis le programme à la disposition de tous les établissements scolaires publics de France.2 Il préconise de le mettre en œuvre à deux moments décisifs de la scolarité des élèves : en CP, lorsque les élèves entrent en primaire et commencent l’apprentissage de la lecture, et en sixième, en début de collège. Le ministère a mis les supports du programme à la disposition de tous les établissements scolaires et a publié sur son site Internet des consignes pour l’organisation des réunions.

En 2013, des chercheurs affiliés à J-PAL ont évalué une réplique de ce programme, mise en œuvre par la General Motors Foundation for South Africa à Port Elizabeth, en Afrique du Sud. L’évaluation aléatoire a obtenu des résultats mitigés en matière d’implication des parents et n’a pas constaté d’impact sur l’apprentissage et le développement des élèves. Les chercheurs suggèrent que les programmes d’implication parentale comme La Mallette pourraient être moins efficaces dans les pays en développement, où les parents sont confrontés à une multitude d’obstacles supplémentaires, notamment un faible niveau d’instruction, une moindre capacité à contrôler le comportement de leurs enfants, mais aussi des difficultés rencontrées par les élèves dans des écoles sous-équipées. Tous ces facteurs sont susceptibles de limiter à la fois la participation des parents à ce type de programme et leur capacité à superviser les activités de leurs enfants après la classe. Les chercheurs concluent qu’un programme plus intensif ou une approche différente sont peut-être nécessaires pour obtenir les effets escomptés dans les pays en voie de développement.

Cette étude de cas a initialement été publiée en octobre 2018, puis a été mise à jour en juin 2020 pour corriger les chiffres indiqués concernant la généralisation du programme.

Références

Avvisati, Francesco, Marc Gurgand, Nina Guyon, Eric Maurin. 2014. "Getting Parents Involved: A Field Experiment in Deprived Schools." Review of Economic Studies 81(1): 57-83. https://doi.org/10.1093/restud/rdt027.

Goux, Dominique, Marc Gurgand, and Eric Maurin. 2017. “Adjusting Your Dreams? High School Plans and Dropout Behavior.” The Economic Journal 127(602): 1025-1046. https://onlinelibrary.wiley.com/doi/abs/10.1111/ecoj.12317.

Bouguen, Adrien, Kamilla Gumede, Marc Gurgand. 2015. “Parent’s Participation, Involvement and Impact on Student Achievement: Evidence from a Randomized Evaluation in South Africa.” https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01241957/document

Suggested citation:

Abdul Latif Jameel Poverty Action Lab (J-PAL). 2020."Parental engagement to improve children's schooling." J-PAL Evidence to Policy Case Study. Dernière modification : juin 2020. 

1.
Circulars are issued by government departments with the purpose of providing guidelines on new legislation, on codes of practice and/or background information on legislative or procedural matters. Ministère de l’Éducation Nationale. “Extension du dispositif « Mallette des parents ».” Bulletin officiel no. 29 du 22 juillet 2010.
2.
Ministère de l’Éducation Nationale. "La mallette des parents." Accessed October 15, 2018.